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Le rôle du CNL en France – Centre national du livre

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Retour à l'exception française. Patrick Deville, que ses fonctions à la tête de la Maison des écrivains étrangers et des traducteurs (MEET) amènent à souvent voyager, le reconnaît : « La situation des traducteurs français est enviée ailleurs car elle est enviable, que ce soit comparativement au reste de l'Europe, ou relativement ». Depuis les années 1960, le champ est « en voie d'autonomisation » pour le sociologue, confirme Susan Pickford, traductrice, maître de conférences à Paris XIII en traduction, qui conduit des recherches sur l'évolution de la profession, de l'invention du droit d'auteur à nos jours.

1981 fut une date dans l'histoire de la reconnaissance du métier de traducteur en France avec la nomination de Jean Gattégno à la Direction du livre. Pour la première fois, un traducteur parvenait à cette fonction, même si la traduction n'était pas son unique activité. Le changement fut perceptible car il se signala aussitôt par des bourses, des aides, des commissions. Selon Jean-Yves Masson, la bibliométrie témoigne de ce que cette arrivée a fait exploser le nombre de traductions.

Initié dans les années 1980 donc, et révisé en 2006, le dispositif que Gattégno instaura au CNL, le Centre national du Livre, incite à la fois à développer les traductions de qualité et à améliorer le statut des traducteurs. Il faut d'ailleurs noter que, à la différence de ses homologues internationaux, le CNL soutient autant l'importation des littératures étrangères en France que l'exportation de la littérature française à l'étranger.

Pour ce qui est de l'intraduction, la seule qui nous intéresse dans le cadre de cette mission, les principaux points de l'aide aux éditeurs portent sur le taux de la contribution (50 % du coût de la traduction pris en charge par le CNL si le feuillet est rémunéré entre 18 euros et 20,90 euros ; 60 % s'il est rémunéré entre 21 euros et 25 euros) ; sur le nombre de dossiers déposés (4 dossiers par session et par commission, et 3 supplémentaires si ces demandes d'aides entrent dans le cadre de manifestations que le CNL organise ou auxquelles il participe) ; et sur le mode de versement de la subvention (70 % dès la décision d'attribution, le solde à la parution de l'ouvrage et à la remise de l'attestation de paiement du ou des traducteurs).

Pour ce qui est de l'aide directe aux traducteurs, elle consiste en des crédits de traduction envisageables dès lors que le demandeur n'a pas bénéficié d'une aide l'année précédente et qu'il a signé un contrat avec un éditeur pour une rémunération minimale de 20 euros le feuillet. Le CNL intervient alors en complément de l'à-valoir consenti et relativement à la difficulté et à la longueur de l'oeuvre selon des montants modulables (1 100 euros, 2 200 euros, 3 300 euros, 4 400 euros, 5 500 euros, 6 600 euros).

Ces aides sont, dans les deux cas, examinées par des commissions d'expertise réunissant des représentants des professions ou des domaines concernés qui remettent leurs avis consultatifs au président du CNL, lequel est seul à même de statuer afin de garantir l'impartialité des décisions.

La France est ainsi devenue le premier traducteur planétaire (13 % des traductions réalisées dans le monde en 2004). La littérature traduite représente 18 % de la production éditoriale, contre 3 % aux États-Unis, et atteint environ 22 % en parts de marché. Au cours des vingt dernières années du xxe siècle, les traductions ont augmenté de 50 %. Si cette progression a nettement profité à l'anglais, ce qui lui a permis d'étendre davantage encore son empire et sa domination, les langues d'origine demeurent très diverses. C'est peu de dire que le CNL a été essentiel dans cette évolution. De plus, on observe que la retraduction commence à entrer dans les moeurs. Même si les éditeurs n'en sont pas encore à considérer que chaque génération mérite sa traduction, certains ont intégré le dicton allemand Einmal ist keinmal, « une fois ne suffit pas ». Comme le dit un critique : « Toute traduction est un meuble de style et une curiosité d'époque ».

Bourses, tarifs, commissions d'expertise : le CNL est aussi l'institution qui a le plus fait, depuis quarante ans, pour les traducteurs. Il les a toujours soutenus selon deux axes : la professionnalisation du métier et la vérification de la qualité – quoi qu'il ne faille pas le confondre avec un comité de lecture ou une direction éditoriale de substitution. Il a aussi accompli un important rôle de médiation auprès des éditeurs.

Ainsi, si l'ATLF se tourne aujourd'hui vers le CNL, c'est que depuis 1993, elle n'a pas eu de réunion de travail avec le SNE, ce qui a entraîné une sérieuse dérive dans le respect du code des usages, signé par le SNE, la Société des gens de lettres (SGDL), l'ATLF et la SFT en 1984. Sa dernière mouture remonte à cette époque : elle était plus favorable aux traducteurs. Depuis, l'ATLF et le SNE ne se sont plus rencontrés. Voilà pourquoi il est urgent que les pouvoirs publics se saisissent à nouveau de cette question. Non pour complaire à une corporation, mais parce que la traduction, dont Umberto Eco nous dit qu'elle est « la langue de l'Europe », est au coeur des échanges culturels. Elle est le nerf de la guerre en temps de paix entre les nations.




Mots clés : traduction -