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Zegreenweb se penche sur le sommet de Cancun, interview exclusive de Brice Lalonde

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« Il faut du temps pour conclure un traité mondial engageant 190 pays dans la lutte contre le changement climatique, c'est-à-dire dans une coopération pour transformer les modes de production et de consommation d'énergie tout en répondant aux impératifs de développement des pays pauvres et autres nécessités globales. Les énergies renouvelables ne sont pas encore à l'échelle, les infrastructures sobres en énergie se mettent lentement en place, les peuples ne sont pas encore tous conscients de la menace climatique, les niveaux de développement sont différents, les capacités sont très inégales… En outre la gouvernance internationale est plus faible encore dans le domaine de l'environnement que dans les autres domaines de l'action publique. Non seulement nul ne peut contraindre un État contre sa volonté, mais encore il n'y a pas de gendarme international qui veille au respect des engagements pris par les États. C'est pourquoi, en effet, c'était sans doute un fol espoir d'espérer que ce traité fût signé à Copenhague. Cependant les chefs d'État présents ont pu conclure un accord à l'arraché qui a tout de même constitué la base des négociations de l'année en cours.

Est-ce que Cancún permettra d'engranger un succès ? Espérons-le, autrement la crédibilité des Nations Unies en sera affectée durablement. Ce ne pourra cependant être qu'un accord modeste, partiel, sur la route d'un accord lui-même intérimaire l'an prochain à Durban (Afrique du Sud). Cet accord partiel espéré pourrait représenter un marchandage entre les deux voies de négociation : d'un côté la conférence de Cancún pourrait confirmer les dispositions de l'accord de Copenhague en donnant une valeur plus contraignante aux engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) annoncés par les États, en mettant en œuvre les points sur lesquels la négociation est quasiment aboutie (lutte contre la déforestation, coopération technologique, renforcement des capacités, création d'un fonds vert etc.) et en définissant les travaux qui restent à achever, notamment dans le domaine du financement à long terme. De l'autre elle consacrerait l'assentiment des pays développés à accepter une seconde, mais dernière, période d'engagement du protocole de Kyoto (à l'exception des États-Unis, qui n'ont pas ratifié ce protocole), tout en organisant une négociation au cours de l'an prochain pour l'améliorer. Ainsi aurait-on un accord minimal sur la voie d'un accord l'année prochaine à Durban, pour la mise en œuvre des dispositions de l'accord de Copenhague en échange d'une seconde et dernière période d'engagement du protocole de Kyoto. Ce n'est que plus tard, dans cinq à dix ans, que nous pourrons envisager enfin d'unifier les deux voies de négociation pour conclure ce fameux traité embrassant tous les États. L'un des développements positifs de l'année qui vient de s'écouler a été l'émergence d'un groupe de pays modérés et progressistes dans lequel on trouve à la fois des pays développés et des pays en développement (PED) et qui souhaite peser en faveur d'un accord. Ce groupe s'est appelé le « Dialogue de Carthagène ». « L'Europe est le seul continent qui donne l'exemple » Quelle sera la position défendue par la France et sur quels plans serait-elle disposée à transiger au nom de l'intérêt général ? La France défendra une approche pragmatique au sein de l'Union Européenne (UE). Elle acceptera que certains pays fixent leurs objectifs nationaux dans une législation domestique sans pour autant exiger d'eux qu'ils ratifient un nouveau traité multilatéral. Elle insistera aussi, comme à son habitude, sur l'importance d'un accord qui tienne compte d'un principe de justice climatique en contribuant au développement des pays qui n'émettent pas de GES mais risquent de pâtir du changement climatique, tout particulièrement en Afrique. L'an passé les pays membres de l'Union Européenne (UE), laquelle a paradoxalement été le « bloc » le plus combattif, ne sont pas parvenus à s'entendre sur une position commune – ce qui fut d'ailleurs, aux dires des experts et des associations, l'une des causes de l'échec danois. La donne a-t-elle changé ? En réalité l'Europe est le continent qui donne l'exemple. L'Union a adopté en décembre 2008 une législation ambitieuse qui fixe aux Vingt-Sept l'objectif de réduire collectivement leurs émissions de 20% en 2020 par rapport à 1990. La méthode retenue pourrait d'ailleurs être reproduite à l'échelle internationale puisqu'elle donne à chaque État membre sa feuille de route en fonction de ses capacités, de son revenu par tête et de sa contribution aux émissions, tout en organisant une solidarité entre les plus riches et les plus pauvres. L'Europe n'est pas désunie et elle ne l'était pas à Copenhague, mais le coût de cette union est une attention portée à la discussion et aux procédures internes qui peut nuire parfois à la négociation multilatérale. L'Europe joue toujours cartes sur table car elle est incapable de dissimulation ou de tactique, ce qui diminue son rôle dans la négociation. Cela dit si l'Union est un géant économique, elle ne pèse pas encore du même poids en termes politiques face aux États-Unis ou à la Chine. « La Chine et les États-Unis pourraient être tentés par le statu quo » Ultime répétition avant Cancún, le sommet de Tianjin (Chine) a été marqué par des divergences de fond entre la Chine et les États-Unis. Pensez-vous les deux premiers pollueurs de la planète, accusés par les associations d'avoir été les grands responsables du fiasco de Copenhague, capables de les surmonter dès la réunion mexicaine ? Je crains que les deux plus grands émetteurs soient tentés par le statu quo. Tous deux sont réticents à accepter des engagements contraignants inscrits dans un accord international. En outre la situation politique intérieure des États-Unis après les élections de mi-mandat ne pousse guère à l'optimisme, tandis que nous ne savons pas grand-chose de ce qui se passe réellement en Chine. Cependant je ne mets pas en doute l'engagement personnel du président Obama et on ne peut manquer d'être frappé par l'ampleur de l'effort chinois en faveur des sources d'énergie alternatives au charbon.

Deuxième puissance démographique mondiale, l'Inde a de son côté envoyé des signaux positifs ces dernières semaines, avec notamment la création à venir d'un tribunal spécialement dédié aux affaires environnementales. Pensez-vous qu'une instance internationale « verte » soit à l'ordre du jour et qu'il en sera question à Cancún ? L'Inde souffle le chaud et le froid. Il est vrai que le ministère de l'Environnement est dirigé par Jairam Ramesh, qui joue un rôle de proposition remarquable dans les négociations climatiques, mais pour autant peu de pays, et sans doute pas l'Inde, seraient prêts à envisager la création d'une instance internationale verte. Les Nations Unies sont menées par les États membres. Elles n'ont pas d'existence supranationale. Cependant la question de la gouvernance internationale dans le domaine de l'environnement et du développement tenable sera à l'ordre du jour de la conférence Rio+20 en 2012. Pour l'instant nous avons le Programme des Nations unies pour l'Environnement (PNUE) et des secrétariats de conventions éparpillés dans diverses capitales. Pourra-t-on renforcer ce dispositif qui est, de l'avis général, insuffisant ? Plus largement Nicolas Sarkozy a, dans les semaines qui ont suivi le sommet danois, plaidé pour un réexamen en profondeur du processus de décision au sein des Nations Unies. Est-ce aussi votre avis ? La recherche du consensus est la règle aux Nations unies. Elle est comprise un peu abusivement comme une exigence d'unanimité, ce qui donne un pouvoir de blocage à une infime minorité. Il faudrait dans certains cas organiser des votes. Cela dit, l'action naît dans les États membres ou dans des initiatives et des partenariats parallèles. Les Nations unies sont plutôt le lieu de la légitimation de ces actions et initiatives.

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